Chamje or not Chamje...

Salut!

Ca y est la HCT reprend du service, après la longue et traditionnelle pause estivale permettant a ses membres de faire la saison... canyon!! Et oui, pas le temps de sécher qu'on repart déjà sur nos projets associatifs.Vous ne pensiez tout de même pas qu'on allait s’arrêter après l'expé Chamje Khola?

Je dois avouer quand même que cette expédition a profondément marqué tous ses participants et ce n'est finalement qu'avec le recul que l'on se rend compte de ce qu'on a réalisé. Je ne veux pas donner ici l'impression que je nous jette des fleurs ou de me vanter mais il aura réellement fallu le temps de récupérer de la fatigue physique et mentale, de "reprendre une vie normale", de regarder encore et encore les photos, les images, de repenser a ce qu'on a vécu,  de discuter entre-nous, avec nos proches et bien d'autres choses encore pour mesurer l'impact qu'a eu cette expérience collective extrême sur nos vies.

Après coup et avec un peu de distance, elle me semble presque irréelle, comme suspendue au dessus du flot de mes souvenirs.C'est l'expérience la plus marquante, la plus éprouvante, la plus dure et la plus belle que j'ai vécue a ce jour. J'en ai tiré de la force mentale, de l'assurance et une meilleure connaissance de moi-même, indiscutablement. J'ai aussi pas mal réfléchi a ce qui nous a pousse a nous confronter a ce monstre, et plus largement a ce qui nous pousse a vouloir découvrir l'inconnu et explorer des terrains vierges. A la mort aussi, c'est lié... Rien de bien nouveau dans ce contexte finalement et je n'ai bien sur pas trouvé de réponse a ces questions sauf que je ne les avais jusqu'alors appréhender qu'indirectement et donc de façon abstraite, a travers mes lectures, des discussions ou l'expérience de copains explorateurs. La j'en ai concrètement ressenti les implications, dans ma chair et dans mon esprit, comme le galet s'enfonce inexorablement au fond d'un lac...

L'engagement a réellement été total pendant une bonne partie de cette ouverture : aucun moyen de sortir du canyon en cas de pépins et aucun secours a espérer. Avancer ou crever, simplement. Pas d'hélitreuillage possible au Népal et vu l'encaissement du canyon, un largage de nourriture ou de matériel médical par helico aurait été vain...Si l'un d'entre nous s'était blesse entre le moment ou l'on est rentré dans l'étroiture géante et le milieu du deuxième jour, nous aurions certainement du nous poser la question suivante : on essaye de le sortir en mettant gravement en péril la vie des 10 autres équipiers ou on l'abandonne?  En sachant en plus que nous sommes tous liés par de très forts liens d'amitiés... Vous feriez quoi vous dans une telle situation? En fait je me rappelle m'être dit : "si un copain tombe, faites qu'il se tue, ca sera plus facile a gérer", car je ne pense pas que je l'aurai abandonne s'il s'était blessé... Non, en fait je n'en sais rien... Par contre ce dont je suis quasiment sur, c'est que l'on ne s'en serait pas sorti si on avait du transporter un blesse dans Chamje Khola. Les gens qui me connaissent savent ce que je pense de la religion, mais dans Chamje, j'ai prié. Bouddha. Comme quoi... 

C'est très différent de penser des situations et de les vivre. La pensée lorsqu'elle précède l'action permet de l'anticiper et d'en atténuer l'impact mais on est finalement toujours surpris car les choses ne se passent jamais (bien évidemment) complètement comme on l'avait imagine, pense, lu ou entendu. Et particulièrement lorsque l'on se confronte a la nature vierge et sauvage. L'implacable de la réalité. L'absolu du présent. Et toujours la démesure, la puissante, la bonté et l'indescriptible beauté de la Nature. Et derrière tout ca l'imparable et unique constat possible : il faut assumer. Car personne ne nous a obligé a venir, a être là a se les geler loin de chez soi et de sa famille en se demandant si on va mourir ou non. On l'a  voulu. En faisant un choix. Alors même que tout ca ne sert absolument a rien... Et encore, moi je n'ai pas d'enfants, et je suis célibataire. Lio, Rod, Jean-Luc, Laurent, Sam et Kabindra sont chefs de famille. Pour sur d'autres points de vue...

Ca peut paraitre un peu "too much" comme discours mais c'est je crois ce qui m'a le plus marqué dans cette expérience : le fait d'avoir a un moment donné (lors du premier bivouac en fait, alors que l'inaction permet à la pensée de vagabonder et de s'auto-torturer) été obligé de me résoudre simplement à "faire confiance". De m'en remettre à "quelque chose". Pleinement et entièrement. A moi, à mon corps, a mon esprit, a ma volonte, a la vie, au destin, au hasard, a la chance, a Dieu, aux copains, a la nature... Que sais-je?... L'important a consisté à trouver un moyen de combattre la peur, le froid (saloperie parmi les saloperie!), la fatigue, l'inconfort, l'impossibilité de dormir, et surtout le doute, qui tue l'action dans la démotivation et est dans ces moments la je crois le pire ennemi de l'homme... Parce qu'il est transmissible... Dangereusement.

D'ou l'importance des copains, du groupe et de la connerie qui fait rire et réchauffe le corps et l'âme. C'est le plus important finalement pour moi dans cette histoire : avoir vécu tout ça avec les potes. Dieu merci (décidément, encore lui), ils étaient la!!! On est plus fort a plusieurs lorsque chaque individu est capable de mettre au moment opportun ses compétences de spécialistes au service de l'équipe et de comprendre qu'il y a des gens plus compétents que lui suivant les situations. Et je vous assure que ce ne sont pas que des mots!! Compétence et savoir faire, fiabilité, humilité, esprit d'équipe, solidarité, solide amitié, volonté de fer, engagement et résistance mental et physique, confiance en soi, en l'autre, en la réussite, en la vie!! Il faut tout ca (au moins!) pour réaliser de telles aventures et vivre de semblables expériences.

Bref je ne sais au fond toujours pas pourquoi j'ai voulu aller la bas, et encore moins pourquoi malgré la difficulté extrême de l'expérience, j'ai adoré ça, alors même que j'aurai réellement pu y rester. Peut être justement parce que j'en suis revenu ;-)?! Parce que je pense que la vie est trop courte pour ne pas être vécue pleinement?... Que les rêves sont faits pour être réalisés? Que c'est nous qui construisons par nos actes notre bien être et notre bonheur? Surement un peu de tout ca.

Je vous souhaite en tout cas de réussir dans tous vos projets et qu'ils vous apportent plein de bonnes et belles choses. En attendant le film de Laurent Triay pour vous faire partager en images cette aventure...

"Soyons réalistes, exigeons l'impossible"

@+!!


Yann Ozoux

Président de la HCT




2 commentaires:

  1. ça me fait trembler ce que tu as écrit, Yann, mais c'est tellement juste !
    merci
    Rod

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  2. Mettre des mots sur des ressentis, pouvoir les faire vivre suffisamment fort, suffisamment juste pour les partager avec ceux qui ne les vivent qu’à travers vos récits, vos photos, votre film ou vos yeux encore pleins d’émotions… mais aussi nous aider à comprendre ce qui peut tant vous pousser vers ces expéditions extrêmes, vers ces retranchements où la frontière entre la vie et la mort peut être si mince… nous faire partager cette extraordinaire aventure humaine, cette force de l’Amitié capable de rivaliser avec la force toute puissante de la Nature tout en la côtoyant dans ses retranchements les plus redoutables. Mais bon, n’oubliez pas, on vous aime… heureux certes mais vivants !!!
    Ben

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