Chapitre 6 : Dans la gueule du monstre.

Lio et Rod entrent dans « le Grand Corridor » avec détermination pendant que les équipiers marquent une courte pose pour ingurgiter un petit lyophilisé chaud. L’engorgement est impressionnant et grandiose, les obstacles sont plus hauts, les marmites sont énormes et souvent remplies d’énormes troncs fracassés en morceaux, tous aussi affutés les uns que les autres. L’émulsion due à l’impact des cascades pousse ces amas de bois prêt des déversoirs rendant la progression très dangereuse car le flux d’eau semble parfois siphonner en dessous.

Délicat d’aller poser le « guidé » dans ce type de situation. Rod prend la main et saute un premier obstacle de 15m, s’ensuit un « ramping » délicat sur les troncs et la corde est posée : technique radicale mais rapide… Rappels guidés, grotte, sauts et longues nages s’enchaînent mais la lumière du jour commence déjà à faiblir.

Vers 17h00, nous entrons dans une étroiture très sombre, très austère. Une « micro-pose » s’impose sur une petite plage afin de sortir les frontales et de manger 2 fruits secs en passant. Les équipeurs, en remplaçant la première batterie du perforateur, constatent alors qu’un des accus a prit l’eau dans le bidon étanche malgré l’emballage plastique supplémentaire. Ce sera la première fois en sept ans, malédiction ! Il ne nous reste donc plus qu’une batterie opérationnelle sur les 3 emportées. Soit plus qu’une trentaine de trous supplémentaires ! Un rapide calcul : 30 trous soit 20 cascades de 10 ou 20m plus tout ce qui saute, allez, on peut descendre encore 400m de dénivelé et sortir du corridor !? De toutes façons, impossible de nous arrêter pour  l’instant tant la section est intense et aquatique, il nous faut avancer jusqu’à trouver une échappatoire ou un lieu de bivouac pour tous, on avisera ensuite. 

C’est donc repartit dans l’ « étroit des noctambules » pour un enchaînement de sauts, nages et autres plaisanteries, mais cette fois-ci, de nuit ! Ah, qu’il fût prémonitoire de pratiquer spéléo et canyon de nuit toutes ces dernières années… 

Yann, aidé par Rajesh et Lio, déséquipe… Sensation de solitude, tout seul dans la nuit, derrière… Laurent et Sam, assistés par Dorian et Jean-Luc continuent de collecter des images sans broncher, ils ne semblent tenir compte ni de la fatigue, ni du lieu et encore moins du moment ! Kabindra et Mathieu, les « singes », font relais pour faire tourner les cordes afin de ne jamais stopper la cordée… Action et efficacité sont de mise.

Greg et Rod se relaient, afin de reprendre leur souffle entre deux « jumps » dans l’obscurité, ça n’en fini pas… Derrière chaque méandre, l’inconnu assorti d’une nouvelle surprise ! La pression est à son comble. Nos 600m de corde sont dépliés. On équipe maintenant depuis plus de 3 heures sur « mono-point » en reliant chaque obstacle par une corde « guide » afin que les équipiers et déséquipeurs reste sereins dans les sauts obligatoires et les inquiétantes nages. Ambiance terrible ! 

C’est vers 21h30 que Greg, toujours en tête, annonce enfin à Rod qu’on stoppe la progression ici. Trois raisons s’imposent : juste devant, le trou noir ! Un énorme étranglement vertical s’ouvre sous nous, que nous estimons à 20 ou 30 mètres. En tout cas ça « brasse sévère »... Passons donc rapidement aux 2ème et 3ème points : Greg a immédiatement remarqué la petite « plagette ***» dans le « contre » derrière nous, et surtout, d’un coup de phare, une échappatoire potentielle et providentielle en rive gauche !!  

Les équipiers arrivent les uns après les autres des ténèbres, on se compte 10 !? On tire alors sur la corde provenant de l’amont, Yann est attaché au bout : c’est cool !
Calmés et affamés, nous décidons à l’unanimité de stopper tout pour reprendre des forces. Nous installons un bivouac de 2 x 3m sous les couvertures de survie, on se blotti tous les onze, les uns contre les autres. 
Le repas est très succinct et se résume à un lyophilisé pour 3 ; quel luxe, en 2005, c’était un sachet de thé pour 5 ! Par contre bonne nouvelle, nous ne manquons pas d’eau. Jean Luc s’affaire pendant plusieurs heures à faire bouillir de l’eau dans laquelle il ajoute UN bonbon au caramel pour le dessert… Puis tout le monde « s’endort », ou presque, dans la moiteur de sa combi étanche, assis les genoux dans la poitrine, à quelques centimètres du tumulte incessant de la rivière… 

« On est quand même mieux là qu’en prison, non !? » (Proverbe HCT)


Texte : Jean-Luc et Rod
Photos : Sam bié

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