Mardi 29 mars 2011, Le départ est fixé à 5h00, après la cérémonie bouddhiste et la prière, indispensable pour « être aidés par les Dieux »
A 3h30, tout le monde s’excite ! Du coup Yann et Greg, nos ouvreurs du matin, sautent dans leur combinaison étanche afin qu’aucun de nous ne parte avant eux. Ils avalent une bonne ration de lyophilisé et à 4h50, disparaissent dans la pénombre matinale…
La rivière prend sa source quelques 700m plus haut, au cœur d’un très large bassin culminant à plus de 5600m. La neige se situe à plus de 4000m et ne fond pas encore. Au niveau du camp nous estimons le débit à environ 100 l/s. La température de l’eau quant à elle, ne dépasse pas les 6°C.
Après avoir plié le bivouac et confié duvets et crampons à nos 4 porteurs qui vont repasser le col, nous entrons à notre tour dans la 1ère partie du canyon, que nous nommerons plus tard « Echauffe du matin ». Dès le premier rappel de 12m, la gorge est marquée, nous entrons dans un long chaos de blocs, certains sont encore gelés et partiellement recouverts de glace. La progression est lente et délicate, nous exposant, à chaque pas à une chute grave. Il est grand tant de se réveiller...
Il est bien clair dans la tête de chacun qu’aucun accident ne doit arriver, sans quoi nous nous retrouverons dans une situation extrêmement délicate. Isolés au fond de la profonde gorge, seul un « auto-secours » très complexe serait envisageable. Aucune possibilité d’hélitreuillage au Népal et les seuls techniciens capables d’intervenir par le haut sont tous dans le canyon ! De ce fait, aucune mise en attente de victime n’est envisageable, les deux seules options qui s’offriraient à nous seraient : soit sortir par le « bas » du canyon, donc de continuer la progression coûte que coûte, soit par le « haut », c'est-à-dire grimper 2000m de paroi vertigineuse improtégeable… Donc par le bas ! Dans le même principe, nous savons depuis le début de projet qu’en cas de difficultés ou d’infranchissable, notre seul salut consisterait à « shunter » l’obstacle pour retourner inexorablement dans le canyon…
Au bout de 8 heures de progression dans la partie « horizontale », nos altimètres indiquent, à notre grand désespoir, que nous n’avons descendu que 500m de dénivelés alors que chacun d’entre nous pensait déjà avoir fait plus de la moitié du canyon !! Nous nous persuadons que nos instruments sont déréglés à cause du froid glacial et nous continuons la descente sans trop nous inquiéter.
La hauteur moyenne des cascades n’excède pas 15m, les micro-toboggans de 5m s’enchaînent, le débit augmente à chaque affluent, rendant la progression de plus en plus aquatique et technique…
On approche des choses sérieuses mais avec un retard important sur le timing.
Vers 14h, Greg remplace Yann à l’équipement et ouvre une superbe ligne dans « une grotte » méchamment arrosée, il prend pied 16 mètre plus bas puis s’engage dans une étroiture ne présageant rien de très bon pour la suite. On sortira de là finalement assez rapidement. Lio prend alors la tête et sortant ses « bottes de sept vieux », traverse un grand chaos de plus d’1 km en sautant de bloc en bloc, avalant quelques ressauts de 15m au passage… Le moral de l’équipe remonte car on rattrape un peu de temps perdu… Le débit aussi augmente, encore un affluent rive gauche. Nous l’évaluons maintenant à plus de 150 l/s. et un énorme encaissement s’ouvre devant nous : fichtre, le « canyon » commence là !! Nous sommes à 4 kms de l’entrée, déjà plus de 30 points posés, il est déjà 16h et il nous reste plus de 900m à descendre avant d’arriver au « bivouac médian », point de ravitaillement avant la partie inférieure de 2005.
Texte : Jean-Luc et Rod
Photos : Sam Bié
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